• Juridique
  • par Renaud LEGLISE modifiée le 26 janvier 2024 08:56

    Quelle est ma responsabilité en tant qu'élu(e) sur la mise en place des mesures de sécurité immédiates ?

    Dans le cadre du Programme National Ponts en particulier...
    En résumé

    Un prestataire a préconisé de mettre en place des mesures de sécurité immédiates sur un pont ou un mur de ma commune. Suis-je, en tant qu'élu(e), obligé(e) de les mettre en place ? Quelle est ma responsabilité ? A quels risques je m'expose en cas d'inaction et d'accident ? Cette fiche répond aux questions que vous pouvez vous poser en la matière.

    🚀 DE L'OBLIGATION DE METTRE EN ŒUVRE LES MESURES DE SÉCURITÉ IMMÉDIATES PRÉCONISÉES DANS LE CADRE DU PNP

    Dans le cadre du Programme National Ponts (PNP), des bureaux d’études compétents ont été missionnés par le Cerema pour évaluer l’état des ouvrages des communes éligibles et volontaires.

    Lorsqu’ils l’ont jugé nécessaire, les bureaux d’études ont proposé des mesures de sécurité immédiates aux maîtres d'ouvrage propriétaires des ponts ou des murs concernés. Ce n'est pas l’État qui a prescrit ces mesures de restriction sur les ponts des communes. Le maire peut éventuellement souhaiter disposer d’une seconde expertise.

    Il est ensuite de la responsabilité des maires de mettre en œuvre ou non ces mesures de sécurité, via des mesures de police, sachant que les maires sont responsables de la sécurité des usagers qui empruntent les ponts communaux ou les murs soutenant leurs voiries communales.

    Les annexes 4 et 5 « mesures de sécurité immédiates » envoyées aux communes dans le cadre du PNP n’ont pas de valeur juridique en ce sens qu’elles n’ont pas le pouvoir d’imposer à l'élu la mise en œuvre effective des mesures préconisées, dont il reste pleinement responsable.

    Mais le cas échéant, par le biais du préfet de Département, l’État pourrait, en cas d’inaction, mettre en demeure un maître d'ouvrage de procéder à la mise en place des mesures de sécurité immédiates préconisées (par le bureau d’études prestataire), et se substituer à lui pour la mise en œuvre des mesures si la mise en demeure n’était pas suivie d’effets.

    Des compléments d'information figureront dans le guide - à paraître prochainement - « Surveillance et entretien des ouvrages d’art routiers – Guide technique à l’usage des communes ». Dans la rubrique "Autres informations" ci-dessous, on reporte ce que dira ce guide sur ce sujet.

    ⚡ PASSER À L’ACTION

    Il est formellement recommandé de donner suite aux mesures de sécurité préconisées par les bureaux d'études dans le cadre du PNP, que les problèmes de sécurité relevés génèrent des risques pour les usagers du fait de problèmes structurels (portance de l'ouvrage affectée) ou du fait de déficiences des équipements (tels que que les dispositifs de retenue par exemple).

    La fiche ressources "Mettre en place une limitation de circulation sur un pont de ma commune" pourra vous aider pour la mise en œuvre effective des mesures de restriction de la circulation sur votre pont.

    Si vous estimez que les mesures de sécurité immédiates recommandées sont excessives, demandez un avis contradictoire, par exemple à un assistant à maîtrise d'ouvrage (agence technique départementale, bureau d'études spécialisé en ouvrages d'art, indépendant du premier). Mais nous vous déconseillons formellement de ne prendre aucune disposition.

    ℹ️ AUTRES INFORMATIONS

    Extrait du guide (à paraître) « Surveillance et entretien des ouvrages d’art routiers – Guide technique à l’usage des communes » :

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    • La responsabilité de la collectivité pour défaut d’entretien normal

    Le régime de responsabilité administrative d’une collectivité pour défaut d’entretien normal est un régime de responsabilité pour faute, mais avec faute présumée : ainsi, si un usager est victime d’un accident sur une voirie gérée par la collectivité, à partir du moment où le lien de causalité entre l’état de la voirie et l’accident est établi, la charge de la preuve se renverse et c’est à la collectivité de démontrer qu’elle a bien assuré un entretien normal.

    La collectivité pourra s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il y a bien eu entretien normal de la voirie dont elle a la charge.

    • La responsabilité pénale de l’élu pour faute caractérisée

    Dans un accident lié à un défaut d’entretien de la voirie, la responsabilité pénale de l’élu (ou de l’agent) de la collectivité peut également être recherchée au titre des délits non intentionnels. Cependant, suite à une multiplication des mises en cause d’élus pour des niveaux de responsabilité très indirects, la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, a précisé les cas dans lesquels elle pouvait être retenue.

    Art. L. 121-3 du Code pénal :

    « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

    Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute, d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. »

    Dans le cas d’un élu, la responsabilité est généralement indirecte. Concernant les ouvrages d’art, il n’existe pas d’obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l’Instruction technique sur la surveillance et l’entretien des ouvrages d’art (ITSEOA) de 2010 n’ayant pas valeur réglementaire. La responsabilité pénale de l’élu ne peut donc être retenue qu’en cas de faute caractérisée. Celle-ci est appréciée au regard de la connaissance que l’élu avait du risque et des mesures concrètes qu’il a prises, en prenant en compte les compétences et les moyens dont il disposait.

    À propos du Programme National Ponts

    Les visites de recensement réalisées par les bureaux d’études ont conduit à informer les maires des problèmes de sécurité nécessitant des actions immédiates de mise en sécurité, qu’il s’agisse de défauts d’équipement ou de défauts majeurs de la structure impactant la capacité portante de l’ouvrage, au regard des charges qui peuvent y circuler.

    Dans ce cas, il importe que la collectivité se saisisse des conclusions et préconisations, et prenne des mesures adaptées aux moyens dont elle dispose (par exemple : mesure de limitation de tonnage si le budget nécessaire à la réparation n’est pas réuni), afin que ni la responsabilité administrative de la collectivité ni la responsabilité pénale de l’élu ne puissent être mises en cause.

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